Sur les marches {ode au présent}
Monter
Une marche
Après l'autre.
Surveiller
Le fragile
Equilibre.
Deux pieds
Mais aussi
Deux mains.
Pour grimper.
S'impatienter
Un peu.
C'est long.
S'émouvoir
Encore une fois
De
Cette
Injustice.
Se sentir
Impatiente
Et triste
Et émue
Et en colère.
Un peu.
Et puis le voir
S'arrêter
Ramasser
Délicatement
Une feuille
"Regarde
Une feuille jaune"
"Et regarde encore
Une feuille rouge"
"Et une toile d'araignée"
"Et maman regarde la fourmi sur la marche"
Croiser
Son regard
Emerveillé
A chaque marche, si difficile pourtant
Regarder
Les marches
Encore une fois
Comprendre
La leçon
Le cadeau
Du
Moment
Présent
Qu'il
M'offre
A
Chaque
Instant.
A
Sa
Façon.
Pleurer.
Pleurer beaucoup.
La mise en page est volontairement longiligne. Elle fait écho à ce magnifique poème de Pablo Neruda, L'Ode au Présent
Ce
présent
lisse
comme une planche,
frais,
cette heure,
ce jour
propre
comme une coupe neuve
- du passé
pas une
toile d’araignée -
nous touchons
des doigts
le présent,
nous en taillons
la mesure,
nous dirigeons
son flux,
il est vivant
vif,
il n’a rien
d’hier irrémédiable,
d’un passé perdu,
c’est notre
créature,
il grandit
moment, le voici portant
du sable, il mange
dans notre main,
attrape-le,
qu’il ne nous file pas entre les doigts,
qu’il ne se perde pas en rêves
ni en mots
saisis-le,
tiens-le
et commande-lui
jusqu’à ce qu’il t’obéisse,
fais de lui un chemin,
une cloche,
une machine,
un baiser, un livre,
une caresse,
coupe sa délicieuse
senteur de bois
et d’elle
fais-toi
une chaise,
tresse
un dossier,
essaie-la,
ou alors
une échelle!
Oui,
une échelle,
monte
au présent,
échelon
après échelon,
assure
tes pieds sur le bois
du présent,
vers le haut,
vers le haut,
pas très haut,
assez
pour que tu puisses
réparer
les gouttières
du toit,
pas très haut,
ne va pas au ciel,
atteins
les pommes,
pas les nuages,
eux
laisse-les
vagabonder dans le ciel, s’en aller
vers le passé.
Tu
es
ton présent,
ta pomme:
prends-la
de ton arbre,
élève-la
sur ta
main,
elle brille
comme une étoile,
touche-la,
mords dedans et marche
en sifflotant sur le chemin.