Accoucher de son bébé en totale roue libre. Et ensuite ?
Je suis comblée, ravie d'attendre des jumeaux à bien des égards : pour moi, pour mon histoire personnelle, pour mon couple, pour la fratrie que je suis en train de construire, pour mon âge aussi. Il n'y a vraiment qu'un seul petit détail qui me chiffonne dans la gémellité, c'est l'accouchement.
Car, pour le corps médical, accouchement gémellaire rime automatiquement avec naissance médicalisée, voir ultra-médicalisée. On m'a d'emblée parlé de déclenchement à partir de 38 SA, de péridurale posée d'office, de délai top chrono à ne pas dépasser entre les deux naissances (en gros, pas plus de 30 minutes) et j'en passe.
Quand, à la lecture de mon dossier, la gynécologue a lu que j'avais accouché parfaitement seule de mon quatrième enfant et que la naissance avait été express, elle a même mentionné une hospitalisation vers 35 ou 36 SA, "comme ça, si ça se déclenche avant, au moins vous êtes sur place", a-t-elle justifié. Je n'ai point répondu, mais je n'en pense pas moins.
Bref, tout un ensemble de perspectives qui ne me font pas spécialement triper, et surtout qui sont diamétralement à l'opposé du cheminement que j'ai effectué en 14 ans au sujet de l'accouchement.
Il y a une semaine, à l'occasion de la diffusion du film "Entre leurs mains" dans un cinéma de ma ville, j'ai pu discuter avec quelques sages-femmes de la maternité. Elles s'étaient déplacées pour visionner le film et participer au débat qui a suivi la séance.
Je ne peux pas nier que leurs intentions sont louables, il y a une vraie ouverture vers plus de physiologie et vers des méthodes alternatives auxquelles j'adhère. Mais - je vais peut-être sembler faire ma difficile pour certains - une simple ouverture, pour moi ce n'est pas suffisant. Dire "oui ça on peut essayer mais ça c'est hors de question", c'est, pour moi, déjà une entrave inacceptable. Inacceptable tout simplement parce qu'on ne me laisse même pas la possibilité d'envisager telle ou telle chose. Ca ne se fait pas pour des jumeaux, point. Et cette injonction, je n'arrive pas à m'en contenter. Je ne m'en contenterai d'ailleurs pas.
Je n'ai pourtant pas l'impression de demander la lune.
Je n'ai pas non plus le sentiment de parler de quelque chose que je ne connais pas, c'est quand même mon cinquième accouchement bon sang, et pour le quatrième je n'ai eu besoin de personne à mes côtés. Et on peut dire que je l'ai mené avec brio.
Alors j'estime avoir le droit de tenter certaines choses. Attention il ne s'agit pas de prendre des risques inconsidérées, mais dire "ça c'est pas possible on ne fait pas avec des jumeaux", ça ne me suffit pas.
Je veux, dans la mesure du possible évidemment, qu'on me laisse tranquille. Je ne veux pas qu'on me touche.
Je ne veux pas qu'on m'oblige à être allongée (ce à quoi on m'a répondu le fameux "ah pour les accouchements classiques c'est possible, mais pour les jumeaux non, en fait on n'a jamais essayé, on n'a pas d'expérience en la matière donc ce n'est pas possible")(je veux bien innover moi haha).
Je ne veux pas qu'on touche mes bébés (à plus forte raison avec des mains gantées de latex). Ce souhait doit sembler incompréhensible, plusieurs amies m'ont demandé pourquoi je faisais une fixette sur un détail pareil. Mais ce n'est PAS un détail, croyez moi. Quand on accueille son bébé avec ses propres mains, et elles seules, qu'il ne touche rien d'autre que notre peau, ni latex, ni linge, ni serviette qui l'essuie frénétiquement, il y a, dans cet accueil, une sorte de magie, de respect, de fusion, de tendresse, de naturel, d'évidence, que RIEN ne peut remplacer. Ca peut sembler difficile à croire, mais je crois que n'importe quelle mère qui l'a vécu pourra le confirmer. Il y a aussi, dans cette acte, une puissance, une appropriation du temps et de l'univers comparable à rien. Tout nouveau-né mérite (selon moi) cet accueil sur notre terre, les mains nues de sa mère et de son père, et rien d'autre, nul artifice, nulle autre personne.
J'y tiens énormément.
Si (et je dis bien si) je n'ai pas besoin d'aide, je n'en veux pas.
Encore une fois, je ne demande pas la lune et encore moins de franchir la limite du raisonnable / dangeureux, je souhaite juste qu'on essaie, au moins un peu, de laisser les choses se passer le plus naturellement possible, sans interférer, tant que je gère seule.
Ceci dit, je ne suis pas non plus inquiète ou paniquée à la perspective de cette double naissance. Mon petit doigt, le bien avisé, me dit qu'elle se déroulera exactement comme elle doit se dérouler.
Au sujet de la naissance respectée et de son déroulement, vous conseille vivement la lecture de cet article Les étapes holistiques de la naissance. Je n'adhère pas à tout pour des raisons de vécu personnel (je n'ai pas traversé toutes ces phases car c'était beaucoup plus rapide que ça) mais certains passages résonnent parfaitement avec ce que je ressens. Je cite par exemple celui-ci :
"C'est un fait absolu qu'une femme n'a besoin de personne pour attraper son bébé. Elle peut souhaiter qu'une autre paire de mains présente ou quelqu'un pour recevoir son bébé mais les femmes n'ont BESOIN de personne pour attraper leur bébé. Le mythe qui dit que quelqu'un doit vérifier s'il y a un cordon autour du cou ou effectuer une traction de la tête pour libérer le bébé n'est simplement pas vrai. Les problèmes de cordon se résolvent d'eux-mêmes... en fait, un tiers de tous les bébés que j'ai vu naître avaient le cordon autour du cou et en général il n'y avait rien besoin de faire. La traction de la tête ou aider le bébé n'est habituellement pas nécessaire non plus et peut, en fait, causer un problème ou un retard."