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Ma gémellité

par La journaliste IT pink & green

publié dans Mon nombril

juju.jpg

 

J'ai un frère jumeau. Je n'en parle pas souvent ici, je l'ai juste brièvement évoqué dans un billet qui parlait de  naissances, la mienne (la nôtre, donc) et celles de mes enfants.

 

En vérité je ne sais pas si la gémellité est le plus beau ou le pire des cadeaux. Comme à peu près tout, ça dépend de la manière dont on en fait usage. Grande richesse ou prison dont il est difficile de se défaire... Je suppose que les parents ont un rôle essentiel à jouer dans ce fragile équilibre, mais il serait trop facile de leur faire endosser toute la responsabilité. C'est plus subtile. C'est plus compliqué. Comme les relations humaines.

 

Pendant une bonne vingtaine d'années j'ai vécu collée à mon frère jumeau. Et vice versa (oui, parce que c'est pas forcément réciproque). On se disait tout, on partageait tout : nos secrets, nos amis, nos journées, nos classes même (on a toujours été dans la même classe, jusqu'en première car il a redoublé sa seconde et pas moi). Quand on était plus petits, on avait aussi une complicité sans égale. Notre soeur avait beau nous suivre de près (20 mois d'écart) et notre petit frère être un garçon comme mon jumeau, il y avait un truc entre nous qui dépassait le cadre de la simple fratrie. On avait des codes de langage, des secrets, des rituels, une sorte de code de conduite gémellaire. 

 

Mon frère inventait énormément d'histoires. Que ce soit avec les légos, les playmos, les Barbies ou sans rien d'ailleurs. On avait nos jeux préférés ("Les gens les plus riches du monde" par exemple) et c'est souvent lui qui donnait le La. 

 

Il était le leader (le jumeau dominant diraient les psy, Ahem) et je le suivais volontiers dans ses aventures (pas dans ses bêtises en revanche, il était speed, j'étais calme). Un mini chef avec sa troupe dévouée, jumelle en tête.

 

A l'adolescence notre complicité n'a pas connu de failles. On était ensemble dans les mêmes classes. Au collège il me défendait, on m'appelait "la soeur du frappeur" (hummm). On avait les mêmes amis, une petite troupe tour à tour joyeuse, cabotine, tête de pioche, mélancolique et ténébreuse. Comme tout groupe d'ados qui se respecte en somme.

 

On écoutait les mêmes musiques, du Dire Strait, du Dépeche Mode, INXS. Il aimait aussi Midnight Oil et Nirvana, je détestais mais je tolérais. 

 

Quand on n'avait pas cours on allait faire des billards dans le bar d'à côté. Chacun payait sa tournée à tour de rôle. Je suis devenue très douée pour envoyer les grosses billes colorées dans les coins. 

 

J'ai aussi commencé des amourettes à côté d'un billard ou sur les bancs de l'école. Là aussi mon frère avait son mot à dire. Non pas qu'il me l'imposait, mais j'avais besoin de son approbation avant de me lancer dans une aventure amoureuse. Allait-il plaire à mon frère ? Seraient-ils amis ? Pour moi c'était inimaginable de ne pas le tenir au courant par le détail de ce qui se passait dans mon coeur. Il en connaissait tous les émois, toutes les blessures, tous les espoirs. Il était mon confident, mon confesseur presque.

 

Un jour j'ai changé. J'ai grandi. Et j'ai décidé, du jour au lendemain, de ne plus RIEN confier à mon frère jumeau de ce qui se passait dans mon coeur. Pour moi c'était une étape capitale, quelque chose que je devais absolument faire. Inconsciemment je n'en pouvais plus de vivre ma vie en duo. Je voulais respirer toute seule. Ou du moins avec quelqu'un que j'avais choisi. A la même époque j'ai également décidé de ne plus tenir de journal intime. En dix ans j'avais noirci plusieurs dizaines de calepins (que mon frère lisait probablement en cachette, sans que je cherche à y mettre un terme d'ailleurs).

 

J'avais alors 21 ans.

 

Avec le recul je me dis que pour mon frère le changement (le choc j'allais dire) a du être radical. Sa soeur jumelle qui lui confiait TOUT était désormais muette. Elle répondait à peine par un hochement de tête ou un grognement à ses questions empressées. Ca a du être rude. Je ne sais même pas si aujourd'hui, à 37 ans, il s'en est vraiment remis. Je crois que dans toutes ses relations amicales et amoureuses il a ensuite cherché à reproduire ce lien gémellaire. Il appelle régulièrement ses amis non pas "mon frère" mais "mon jumeau". Et quand je discute avec lui, si je lui dis "je suis ta soeur", il me reprend systématiquement "ma soeur jumelle". Quelque part ça me fait de la peine pour lui. Quelque part je m'en veux d'avoir procédé de manière aussi brutale. Mais pouvais-je faire autrement à ce moment là ? Je ne sais pas, je ne pense pas.

 

Je pense qu'il faut grandir de la gémellité. Il faut s'en détacher un jour ou l'autre pour vivre par soi-même et non pas par procuration. Comme on se détache un jour de sa mère pour voler de ses propres ailes, on se détache de son jumeau. C'est sain, c'est normal. Moi, du moins, je l'ai vécu comme une étape salvatrice dans ma vie. Avant 20 ans je vivais "avec", "pour" et "à travers" mon frère jumeau. A 21 j'ai pris un gros couteau et j'ai coupé le cordon qui nous unissait parce que je n'en pouvais plus de cette vie partagée.

 

Je ne sais même pas pourquoi j'écris ce billet, je n'ai pas de solution ni d'analyse à apporter, juste envie de raconter un pan de mon histoire. Je ne sais pas non plus ce qu'auraient du / pu faire mes parents. Ne pas nous mettre dans la même classe probablement. Mais si on m'avait imposé ça à 7 ans, j'aurais supplié mes parents de me laisser avec mon frère. Alors que faire ? Je suppose qu'on fait tous du mieux qu'on peut... 

 

En tout cas, je l'avoue, je suis soulagée de ne pas avoir de jumeaux moi-même, j'ignore vraiment comment j'aurais géré leur arrivée et surtout leur éducation. En tâtonnant probablement. En tentant de ne pas reproduire les mêmes erreurs... et en faisant d'autres erreurs, évidemment. 

 

Richesse et prison... étrange lien que celui de la gémellité...

 

Photo : We heart it

 

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V
<br /> merci pour le bisous<br />
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K
<br /> Nous en avions déjà parlé ensemble, de toi et ton frère, et de mes loulous à moi... Je ne sais si<br /> nous faisons bien, je ne sais ce que nous ferons plus tard et comment, je sais juste que nous poursuivrons cette belle aventure mon homme et moi, avec et pour nos "jumeaux" (même si nous ne les<br /> appelons jamais comme ça) "en tâtonnant probablement" comme tu l'écris, oui tout est là...<br />
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L
<br /> <br /> Merci Kat !<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> La gemellité on fait avec, comme on peut.<br /> J'ai fait des choix pour mes filles.<br /> Peut-être les regretterais-je... peut-être pas.<br /> Mais ça sera pareil pour mes autres enfants singletons.<br /> Mes choix auront-ils été les bons...<br /> Je vis au présent, la suite... j'ai bien la temps...<br /> Bises<br />
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L
<br /> <br /> Tout à fait, on fait des choix pour les jumeaux, comme pour les singletons. Je parle de la gémellité parce que c'est seulement ça que j'ai connu, forcément. Et il y a des choses qui m'ont marquée<br /> par rapport à ce statut si particulier. Du moins on me l'a toujours présenté comme étant particulier... aujourd'hui je n'ai plus cette opinion. Mon frère jumeau est mon frère avant tout. <br /> <br /> <br /> Merci pour ton commentaire La Marmotine !<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> trés emue par ce post<br />
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L
<br /> <br /> Un gros bisou pour toi. <br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> C'est tellement fascinant, ce lien qui unit des jumeaux !<br /> <br /> <br /> Et encore, vous étiez une fille et un garçon. J'imagine que pour les "vrais jumeaux", qui se ressemblent comme deux gouttes d'eau, ce doit être encore plus difficile de mener chacun sa vie !<br />
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L
<br /> <br /> Je ne peux qu'imaginer que c'est encore plus fort, encore plus présent, en effet...<br /> <br /> <br /> <br />