"Tu idéalises ton accouchement"
Cette remarque, c'est une amie qui me l'a faite un jour sous l'un des (nombreux) partages d'articles que je publie sur ma page Facebook au sujet de l'accouchement, et plus particulièrement de l'accouchement respecté et du choix éclairé que l'on propose aux futures mères.
Oh loin de moi l'idée de m'offusquer de cette phrase (que d'autres personnes ont tout à fait pu penser d'ailleurs, sans le formuler).
D'abord parce que je suis intimement persuadée que lorsqu'on formule certaines phrases, on parle avant tout de sa propre histoire et de certains souvenirs (heureux ou au contraire douloureux) qui sont réveillés par une phrase de la personne en face de soi. Inconsciemment on parle de ses propres blessures, pas de l'histoire de l'autre finalement (je le fais aussi, rassurez-vous, c'est juste humain).
Mais aussi, et surtout, parce que je comprends qu'on puisse penser cela à mon sujet.
Mais que cette idée est erronée.
Evidemment je vais vous expliquer pourquoi.
Déjà rien que pour une question de définition. "Idéaliser" c'est conférer à une personne, un objet, une situation, un événement, un caractère de perfection qu'il ne possède pas vraiment ou même pas du tout. Grosso modo, c'est embellir les choses ou la personne de manière totalement aveugle.
Hors pour ce qu'il en est de la naissance de Ruben, je ne "l'idéalise" pas.
Je considère en toute sincérité que cette naissance a été idéale pour moi et à un instant T bien précis dans ma vie et mon évolution.
Saisissez-vous bien la nuance ?
Idéale pour le moi d'aujourd'hui, pas celui d'hier. Alors vous pensez bien que concernant les accouchements des autres, je me garderai bien de donner une note ou une évaluation. Car je n'en sais fichtre rien.
Pour faire simple, je n'aurais pas aimé accoucher de cette manière de ma fille aînée parce que je n'étais pas la même, parce que je n'y étais pas prête, parce que j'attendais autre chose d'un accouchement, parce que j'avais avant tout confiance en mon gynécologue (pour plein de raisons, à commencer par le fait que j'ai mis du temps à tomber enceinte) et pas du tout en mon corps.
La naissance de mon aînée a été rapide (3 heures, ce qui est peu pour un premier, vous en conviendrez), légèrement médicalisée (péridurale et épisio) mais finalement bien loin de la sur-médicalisation que je m'apprêtais à vivre pour des raisons personnelles et familiales.
Et cette naissance en clinique, entourée du bip bip rassurant du monito et de la présence familière de mon gyécologue a aussi été idéale pour moi, à cet instant là de ma vie.
Ni plus, ni moins.
Cerise sur le gâteau, cet accouchement si facile même si très entouré a commencé, imperceptiblement, à me réconcilier avec mon corps et en sa capacité à fabriquer des enfants et à les mettre au monde.
Ma cadette est née par déclenchement et là on m'a prédit un accouchement long et difficile car aucune condition propice à une naissance n'était présente, mais il fallait déclencher quand même. Ma fille a fait un bien joli pied de nez à ces prédictions négatives, elle est née en 30 minutes presque seule (même le gynécologue de garde n'a pas eu le temps de venir, alors mon propre gynéco encore moins !).
Mes deux fils se sont ensuite chargés de narguer les prédictions de fertilité que j'ai entendues ("vous n'aurez sans doute plus d'enfants, vos ovaires c'est le désert de Gobi, il faudra tenter la FIV mais sans grand espoir") en étant conçus tout à fait naturellement.
Et en naissant de plus en plus vite.
20 minutes pour le Petit Roi, 7 minutes pour le Maître Zen.
Eh bien je ne peux pas comparer ce qui a été le mieux de ces quatres conceptions et de ces quatre naissances.
Chacune a été parfaite pour moi à une étape clé de ma vie.
Voilà tout.
Et je conçois tout à fait qu'on puisse dire "oh je n'aimerais pas accoucher comme ça, je paniquerais trop !", "sans péridurale et sans mon gynécologue ? Jamais !", "j'ai bien vécu ma césarienne", "je veux accoucher à la maternité, ailleurs c'est trop risqué", "mais t'as dû trop flipper, je pourrais pas !". Ou au contraire "Han trop bien, quelle chance !", "accoucher comme ça, c'est mon rêve", "bravo, t'as assuré, c'est top", "je veux le même".
Toutes ces phrases ont autant de valeur les unes que les autres (pourvu, bien entendu, qu'elles soient entendues et respectées par le corps médical et - mais oui - par l'Univers aussi, si on s'adresse à lui - mais il répond toujours de manière positive si vous voulez mon humble avis).
Pour conclure, je dirais non pas "à chacune son histoire" mais plutôt "à chacune SES histoires".
Parce que parfois on change de manière surprenante.
En quatre grossesses et quatre accouchements, j'ai fait un revirement complet dans ma façon de voir les choses.
La naissance de Ruben est le point culminant et victorieux de mon évolution et de ma façon de m'être réapproprié non seulement mon corps, mais aussi mon intuition et ma confiance en moi. Mais chacune des quatre étapes a été parfaite et essentielle.
Idéales.