Nos conversations lactées
On dit que la composition du lait maternel évolue en fonction de l'âge de l'enfant ainsi qu'au cours d'une même tétée. Moi je dirais qu'il y a aussi autre chose qui change : la relation qui s'établit entre la maman et son bébé durant la tétée. Elle change énormément au fil des mois.
Quand il était nourrisson, le Petit Roi tétait plusieurs fois par jour pour se nourrir, s'endormir, se consoler. Il tétait les yeux fermés, tout à son activité puis sombrait dans le sommeil, tout contre moi.
Téter, manger, boire, dormir, se réveiller, pleurer, téter, se consoler, dormir. Le sein était un élément vital d'un point de vue nutritionnel et émotionnel.
A un an, tout a évolué : l'heure, la position, le lieu, la durée et le déroulement des tétées.
# La fréquence : le Petit Roi ne tète plus autant qu'avant puisqu'il partage aussi nos repas. Il tète essentiellement le matin au réveil, avant la sieste du matin vers neuf heures, avant la sieste de l'après-midi vers 14 h et le soir, avant de se coucher. Plus quelques tétées de ci de là pour se consoler ou pour le plaisir.
# Le lieu : désormais il ne tète (presque) plus à l'extérieur de chez nous car il tète de préférence allongé contre moi. Dans les bras il n'a jamais aimé, et maintenant il ne veut plus du tout, il gigote pour me faire comprendre que c'est la position allongés tous les deux qu'il veut.
# La durée : s'il a très faim ou très soif, il tète rapidement puis se détourne pour jouer à côté de moi. S'il n'a pas vraiment fini sa tétée il fait des allers et retours entre moi et ses jouets. Hop ! hop ! A chaque fois qu'il se détourne de moi sa bouche fait un bruit de ventouse qui se décroche. C'est à la fois rigolo et un peu agaçant car il tire fort.
S'il a juste envie d'une tétée câlin, il peut rester contre moi pendant de longues minutes, une demi-heure facile, les yeux grand ouverts, à me regarder, à attraper ses pieds. Il est alors détendu, calme, câlin. Il regarde la lumière qui filtre par la fenêtre, on entend juste les oiseaux. On dirait qu'il réfléchit au loin. C'est notre demi-heure de tendresse et de silence dans la fraîcheur de la chambre alors qu'il fait chaud dehors. Le truc pas vital mais vital quand même !!
# Le déroulement : ce qui a surtout changé, c'est l'apparition d'une nouvelle dimension dans l'allaitement, celle du jeu. Il ne fait pas que téter, il fait autre chose en même temps. Il recompte mes grains de beauté, il me caresse le bras, il joue avec mes doigts, il inspecte mes ongles colorés, il met ses doigts dans ma bouche pour trifouiller mes dents (aîe !).
Il chantonne aussi. Il fait des vocalises en tétant. Je lui réponds. Il écoute. Il chante à son tour. On dialogue juste avec les yeux, avec une mélodie sans paroles et avec quelques soupirs de contentement.
Parfois il saisit un jouet d'une main et il l'examine sans relâcher sa tétée. Il le tourne dans tous les sens, le met contre moi, l'installe entre ses pieds et le tient un instant en équilibre. Ca le fait rire, ça me fait rire.
On échange des regards remplis par l'amour et la joie toute simple d'être ensemble. Il sourit, le sein toujours dans la bouche. Et soudain la tendresse plisse ses yeux, il entre-ouvre la bouche, une goutte de lait s'échappe sur le côté et roule sur sa joue... Il rit ! Je ris ! Nous rions ensemble, lui la bouche pleine de lait et moi avec un truc qui me picote les yeux. Puis il rattrape à nouveau le sein, soupire et reprend sa tétée.
J'ai l'impression d'échanger énormément de choses avec lui dans ces moments là. On dialogue en secret. On profite de la présence l'un de l'autre. C'est doux, c'est apaisant, c'est rigolo, c'est tendre.
Le Petit Roi est un réservoir de tendresse. Il est si câlin !
Parfois après avoir bien tété, bien joué, bien dialogué, bien chantonné, ses cils viennent s'allonger le long de ses joues. Je connais ce moment par avance car lorsque le sommeil le gagne, ses petits pieds tournicotent contre moi. Les petits pieds cessent ensuite progressivement leur danse, la bouche lâche le sein, la sueur perle à son front.
Brusquement il se retourne de l'autre côté, les jambes pliées en angle droit.
Il dort.
Il a eu sa dose de tendresse, il a besoin de sommeil. Je le soulève comme on soulèverait l'univers et je le pose dans son lit.
Ou... je sombre dans le sommeil à ses côtés !