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Lettre à une petite fille

par La journaliste IT pink & green

publié dans Boum boum

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T'as cherché Dieu toute ta vie

Petite on t'a appris Dieu le Père qui punit, Dieu le fils qui rachète

T'es allée au catéchisme

A la messe tous les dimanches

T'as plongé tes doigts dans l'eau bénite des milliers de fois

Ecouté ton père lire les évangiles le soir

Récité des centaines d'Ave et de Pater

Allumé des cierges

Confessé tes péchés consciencieusement au moins une fois l'an.

On t'a enseigné que la vie était sacrifice de soi, lutte et pénitence

On t'a dit qu'il y avait un paradis, mais pas ici, pas maintenant

On t'a mise en garde, il fallait le mériter.

 

 

Tu cherchais Dieu et tu avais peur de lui.

Déchirée entre le ciel que tu espérais et l'enfer que tu te fabriquais toute seule.

 

Petite fille douce, obéissante, travailleuse et terriblement mélancolique.

 

T'as grandi, t'es pas vraiment passée à autre chose.

T'allais plus à la messe tous les dimanches mais ça te rongeait le ventre

T'as continué à chercher Dieu

Dans un regard, une étreinte, un paysage, un soleil couchant, une musique, un enfant

Dans le travail, les autres, les excès, les erreurs, les errances

T'as perdu un sommeil que tu n'avais jamais vraiment connu serein

T'as cherché à oublier ta quête en la noyant, en l'endormant, en l'anesthésiant.

 

T'as cherché dehors et tu t'es perdue à l'intérieur.

 

T'as croisé des gens en blouse qui t'ont demandé de parler de ta naissance, un peu

De ta mère, beaucoup

De ta gémellité aussi.

Ils ne te posaient pas tellement de questions

Ils attendaient plutôt que tu parles

T'aurais voulu leur dire "je cherche Dieu, pouvez-vous m'indiquer sa demeure ?"

Mais ils n'auraient pas compris

Tu avais envie de leur dire "je cherche mon âme, j'ai perdu mon âme, mon âme s'est dissoute

Aidez-moi à la reconstituer

Donnez moi de la pâte à âme pour la refabriquer"

Mais ils t'auraient parlé de récepteurs dopaminergiques, d'inhibiteurs sérotoniques, de benzodiazépines

Ils auraient répondu que c'était biochimique

Que c'était ton hérédité, ton environnement

Qu'il fallait faire avec

Et boucher les canaux qui fonctionnaient mal dans tes cellules

Cacher les maux avec des cachets.

 

Ils se contentaient donc d'avoir la main lourde sur les ordonnances

Tu réglais les 80 euros sans avoir rien réglé à l'intérieur

Tu repartais avec ton araignée tapie dans ton âme

Une araignée qui faisait la morte, avalait les drogues, se nourrissait de ta cervelle

Et qui jamais ne desserrait son étreinte

Tu le prenais avec fatalité

Tu étais née avec une araignée, et tu mourrais probablement avec elle.

 

T'as tricoté des bouts de chemin avec des amis qui te voyaient blonde, heureuse, légère

Un peu compliquée parfois

Tu leur souriais, mélancolique

Tu enviais la narcose inconsciente de leurs âmes

Tu ne comprenais pas comment ils pouvaient vivre sans savoir, sans sentir, sans Lui.

 

Tu ne cherchais plus Dieu consciemment, t'avais tout jeté aux orties

Ton âme criait comme dans un cauchemar mais tu ne l'entendais plus.

Engourdie, prostrée, transie, paumée, désespérée.

Tu n'étais pas présente.

Tu plongeais dans le passé, tu en ressortais alourdie et tu t'enfuyais dans cet avenir incertain qui te bouffait

T'aurais voulu être là-bas, loin, ailleurs

Partout mais pas ici

N'importe quand mais pas maintenant

 

En vérité je te le dis, tu courais vers la mort.

 

Te rends-tu compte que tu es une rescapée ?

 

Un jour

Béni

T'as commencé à te réveiller

T'as changé de vie, de région, d'air, de ciel

T'as croisé des personnes précieuses

Entendu des mots libérateurs

Reçu quelques claques émotionnelles salvatrices

Vu des choses extraordinaires

T'avais rentré les yeux à l'intérieur

Mieux encore,

Guidée par lui,

T'avais croisé la personne principale de ta vie

Toi.

 

Une énorme vague a déferlé sur ton âme 

T'as vu ta vie, t'as vu ce que tu risquais de devenir

T'as vu des choses terribles à éviter, des choses magnifiques qui t'attendaient

T'as vu ton fils qui t'attendait, un jardin à arroser, de la poussière à lâcher, un coeur à libérer.

 

Sais-tu ce qui s'est passé petite fille de mon coeur ?

Dieu s'était penché vers toi

Ou toi vers Lui

Peu importe.

 

Tu as peu à peu ouvert tes yeux, ouvert ton coeur.

Tes amis n'ont pas compris, ta famille n'a pas accepté

On a cru que tu fuyais

Alors que tu rentrais

Chez toi

Alors que tu avais enfin trouvé

La trace

De Dieu.

 

Alors que tu te rendais simplement compte

Que le chemin

Tu le connaissais.

 

Tu as repris ta quête dans la lumière

Lu des tas de bouquins

Tu t'es dit que tu devais apprendre à méditer, apprendre à respirer, apprendre à lâcher

T'as retrouvé un sommeil fabuleux

T'as remis les pieds dans une église et tu t'es sentie délivrée

En fait t'avais envie de chanter et de danser dans cette cathédrale

"Païenne !" auraient dit l'Eglise. "Sacrilège !" auraient pensé tes parents.

Mais toi tu t'en fichais parce qu'en ton coeur chantait un psaume d'allégresse.

T'avais compris Jésus.

 

Tu cherchais encore avec ta tête, tu n'avais pas tout compris en réalité

Mais peu importe

Tu avançais.

En un sens, tu étais déjà sauvée.

 

Un matin t'as accompagné tes enfants à l'école

T'étais fatiguée

Ton fils n'avait pas dormi de la nuit, chagriné par ses dents

Tu te sentais lasse et courbaturée

Mais réconfortée

Par ce soleil presque printanier, le café qui te réchauffait

La douceur des joues de tes enfants

Ton amoureux toujours à tes côtés.

 

Tes filles, légères, sont entrées à l'école

Tu leur as fait un petit signe heureux

Tu es rentrée chez toi, portant ton précieux petit paquet chaud

Ton fils qui se serrait contre ton cou.

 

Ton cerveau s'est soudainement tu

Sans doute engourdi par la fatigue et la fraîcheur de cette jolie matinée

Cadeau que cette fatigue offerte par ton Fils !

Cadeau que de perdre la tête pour gagner le Coeur !

T'as entendu des volets qui remontaient en craquant

Des oiseaux qui se réveillaient dans les branches au dessus de toi

T'as remarqué que le toit de la maison à côté de l'école était rouge

Et qu'il y avait une famille de pigeons qui faisait sa toilette sur le bord de la gouttière

T'as croisé des gens, tu leur souriais

T'avais l'impression d'irradier la paix

Ca devait se voir, non ?

Tes sandales faisaient clac-clac sur tes talons

Les cheveux de ton fils caressaient ta joue

Le soleil t'aveuglait

Ca sentait le vent, le soleil, l'eau, la fatigue, la joie, la terre, les nuages, la paix et le café

Tu ne pensais à rien

Tu sentais des choses nouvelles et pourtant anciennes.

 

T'as respiré profondément

Avec bonheur

 

Et soudain

Tes yeux

Se sont remplis

De larmes.

 

Non, pas des larmes de fatigue.

Ni même des larmes de joie.

C'était au-delà de ça.

 

Tu as versé des larmes parce que dans le silence de ta tête

Dans un souffle rempli de quiétude

Tu avais respiré

Dieu

 

Merci Claudio, Valérie, Marie-Annick, Marcello, Salomon

 

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M
Magnifique texte...
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J
<br /> Je suis bluffée... Tes mots sont magnifiques.<br />
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L
<br /> <br /> Merci beaucoup pour ce commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />
U
<br /> Magnifique, ces toujours le même plaisir de te lire et de partager tes pensées, je te souhaite de garder cette paix intérieure qui te fait tant de bien<br />
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V
<br /> quel chemin ....je n'en ai pas parcouru le quart demon côté....tres beau et emouvant<br />
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A
<br /> Que dire... <br /> Pas grand chose, si ce n'est qu'une fois de plus j'ai tant aimé te lire et j'ai... souris ;) <br /> Merci pour ton partage
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